Curiosité patrimoniale : Musée du ciment ASLAND

par l’un des adhérents du CICP, Jack Szabo, que nous remercions vivement.

MUSEU DEL CIMENT ASLAND DE CASTELLAR DE N’HUG

En 1989, la Société LAFARGE, alors dans une phase de forte croissance externe de ses activités cimentières, prenait le contrôle du groupe espagnol ASLAND, alors l’un des acteurs majeurs de la production de ciment en Espagne.

La S.A. ASLAND, patronyme tiré de la raison sociale de la « Compañia Generale de ASfaltos y portLAND » a été fondée en 1901 à Barcelone par Eusebi Güell et divers associés pour répondre aux besoins croissants en ciment portland de la Catalogne et de l’Espagne. Eusebi GÜELL, contemporain d’Antoni Gaudi fut un homme d’affaire visionnaire, mais aussi un mécène du développement culturel et patrimonial, connu entre autre pour le célèbre parc Güell de Barcelone.

C’est sur le site du Clot del Moro, proche du village de Castellar de N’Hug, dans le Alt Bergueda, piémont des Pyrénées catalanes, que fut créée en 1904 la première unité ASLAND de production de ciment portland en Catalogne. Güell fit appel à Raphael Guastavino, entrepreneur né à Valencia en 1842 et ayant migré aux USA, devenu spécialiste de la voute catalane pour la construction de nombreux édifices résidentiels et industriels de par le monde, pour ériger cette usine sur des plans établis en 1901 par le bureau d’architectes newyorkais Wallace Ewing. La construction finale n’a pas été totalement conforme au plan initial du fait du développement au début du XXème de la technologie nouvelle du four rotatif. L’unité de production est totalement étagée, adossée à sa montagne, depuis la carrière de pierres tout en haut jusqu’au chargement du ciment tout en bas, comme furent conçues et restent en partie visibles en Ardèche les usines Valette-Viallard à Cruas, de Saint Alban à Viviers.

Outre l’objectif de répondre au développement du besoin en ciment, le site a été retenu pour trois raisons majeures : l’existence d’un gisement de calcaire marneux facilement exploitable et appartenant à un ami de Güell, co-fondateur d’ASLAND ; la disponibilité d’une électricité d’origine hydraulique bon marché grâce au Rio Llobregat ; la proximité de mines de charbon dans le même secteur. Le problème de l’éloignement du marché des cités catalanes fut compensé par la création d’un embranchement ferroviaire, d’abord limité au seul fret, puis plus tard ouvert aux voyageurs, et dont il reste aujourd’hui un petit train touristique pour accéder au Musée depuis la vallée et la petite ville de La Pobla de Lillet.

En 1975, le site a cessé de produire définitivement. Lors du rachat de ASLAND par LAFARGE en 1989, il avait déjà été partiellement démantelé, du matériel ayant été transféré vers le site de Moncada, proche de Barcelone, toujours en activité aujourd’hui. En 1996, LAFARGE-ASLAND, raison sociale de la filiale espagnole, cédait pour le montant symbolique de 498 000 pesetas (env. 3 000 €) l’intégralité des restes de la « colonie ASLAND » de Castellar de N’Hug à la Generalitat de Catalunya, avec pour projet la création de l’une des antennes locales du MNACTEC (Museu National de la Ciència i de la Tècnica de Catalunya).

« El Museu del Ciment Asland de Castellar de n’Hug » y fut créé, et inauguré en décembre 2002.

Depuis 2005, l’unité de fabrication et son environnement proche font l’objet d’un classement au titre de bien culturel d’intérêt national, dans la catégorie monument historique.

Le Musée consiste en un Centre d’interprétation de la fabrication du ciment, de l’histoire du site et de ses personnages principaux.

Une partie des ruines de l’unité de fabrication est accessible à la visite, libre ou guidée.

Face au Musée, la gare du « train du ciment », terminus du petit train touristique montant de la vallée en 20 minutes, avec sa cafétéria et un espace pique-nique…, la centrale hydraulique alimentée par une conduite forcée de 4.8 km, toujours en activité, et les restes de deux vieux fours à chaux, utilisés lors de la construction de l’usine pour mettre en œuvre la technique de la voute catalane.

Dans l’environnement proche et faisant partie du site classé, trois constructions à usage non industriel sont visibles (V) mais protégés par des clôtures, une quatrième étant encore accessible (A), tout comme le site de la carrière :

– Le chalet Güell (V), construction en pierre locale de style moderniste, œuvre des architectes Lluis Homs Moncussi et Eduardo Farrès Puig. C’était l’habitation de la Direction lorsqu’elle était présente sur le site, et un lieu d’accueil pour les invités importants.

– Face au chalet, l’ermitage Sant Jaume (V), petite chapelle construite en 1924 au style inspiré des églises romanes pyrénéennes.

– En balcon au-dessus de l’ermitage, la résidence des ingénieurs (A), qui comme son nom l’indique, était destinée au logement des ingénieurs, principalement américains au démarrage des fours rotatifs FL Smidht et Allis Chalmers en 1909.

– Plus haut, à droite en montant vers la carrière (A), la caserne de la Guàrdia Civil (V) construite pour abriter un détachement de soldats assurant le maintien de l’ordre et la protection du dépôt d’explosifs nécessaires à l’exploitation.

Sur la commune touristique de La Pobla del Lillet, il existe une autre construction, conçue par Gaudi sur un mécénat de Güell, pour loger les ingénieurs des mines de charbon, le Xalet del Catilaràs.

La proximité des villages de Castellar de n’Hug et de La Pobla de Lillet (moins de 5 km), dont étaient originaires la majorité des travailleurs qui venaient à pied à la cimenterie, fait qu’en dehors des constructions évoquées ci-dessus, il n’y a pas eu au Clot del Moro de cité ouvrière à proprement parler, comme à Lafarge. Il y avait par contre une école ouverte aux enfants du personnel. Les traces au sol de quelques bâtisses restent encore visibles à l’arrière de la résidence des ingénieurs, aujourd’hui transformée en gîte-auberge sur un parcours de GR (chambres, dortoirs, petit déjeuner et repas du soir possibles sur réservation…). Loger dans l’ex-résidence des ingénieurs, tout un programme !

Le Musée se visite toute la semaine en été, seulement samedi et dimanche hors saison. Fermeture hivernale.

Le volet du Centre d’interprétation concernant l’histoire du ciment, conçu en 2016, s’intitule « de ASLAND à LAFARGE-HOLCIM, 100 ans de ciment ». Il laisse à penser que le Musée a pu recevoir à cette date, une aide ou un soutien du groupe LAFARGE-HOLCIM, d’autant plus que l’espace de visite consacré au Laboratoire (en travaux lors de ma visite en 2024) comporte du matériel ancien provenant du Laboratoire d’une usine Lafarge-Asland proche de Tolède.

J’ai eu la chance de visiter le Musée un samedi matin, à 11 heures, sous forme d’une visite guidée théâtralisée (uniquement le samedi, à 11 h, de juillet à mi-septembre en 2024). Trois acteurs, l’un dans le rôle d’un ingénieur américain, un autre dans celui d’un ensacheur, et une actrice jouant une servante du chalet Güell. Malgré le problème de la langue (en catalan…) ce fût un moment inoubliable !

Musée. Renseignements, horaires et tarifs : www.museuciment.cat Tél. +34 958 257 037

Auberge. Refugi Quatre Cases : www.refugiquatrecases.wordpress.com Tél. +34 659 130 689

Jack SZABO, aout 2024